Un Deuil / Mourning (1916)

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Un Deuil / Mourning (1916)

Émile Verhaeren (1855-1916)

Elle eut trois fils; tous trois sont tombés à Boncelle. Le soir se fait. J’entends parler sa tendre voix. Un trop rouge soleil joue encor dans les bois, Mais la douceur de l’ombre est flottante autour d’elle. Bien que toute heure, hélas! lui soit une heure triste; Elle ne prétend pas renoncer au malheur Dont est lasse sa chair, mais dont est fier son cœur Et dont la clarté belle, en ses larmes, persiste. Et je la vois là–bas qui de sa lente main Cueille, pour ses trois morts, trois fleurs dans le chemin Et mon âme s’emplit de joie involontaire À voir marcher ce deuil bienfaisant sur la terre. From Les Ailes Rouges de la Guerre
Un Deuil / Mourning (1916)
She had three sons. Boncelle undid them all. I hear her soft voice speak, as shadows fall. Long the red sunset in the woods has played, Yet round her floats the mildness of the shade. Though all her hours are hours of wretchedness, She guards, for all her flesh’s weariness, A heart that treasures up this tragedy, And tears that shine with its nobility. I see her slowly plucking in the lane Three flowers for her three dear fallen men: My soul rejoices, as it surely would, To see this grief go forth, a force for good.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Premieres Aéroplanes

From Les Ailes Rouges de la Guerre

Émile Verhaeren (1855-1916)

From Les Ailes Rouges de la Guerre
Les roses de l’été — couleur, parfum et miel — Peuplent l’air diaphane; Mais la guerre parsème effrayamment le ciel De grands aéroplanes. Ils s’envolent si haut qu’on ne les entend pas Vrombir dans la lumière Et que l’ombre qu’ils allongent de haut en bas S’arrête avant la terre. L’aile courbe et rigide et le châssis tendu, Ils vont, passent et rôdent, Et promènent partout le danger suspendu De leur brusque maraude. Ceux des villes les regardant virer et fuir Ne distinguent pas même Sur leur avant d’acier ou sur leur flanc de cuir Leur marque ou leur emblème. On crie, — et nul ne sait quelle âme habite en eux, Ni vers quel but de guerre Leur vol tout à la fois sinistre et lumineux Dirige son mystère. Ils s’éloignent soudain dans la pleine clarté, Dieu sait par quelle voie, En emportant l’affre et la peur de la cité Pour butin et pour proie.
Premieres Aéroplanes
Honey, colours, aromas of roses of summer: Bright breeze’s refrains. But war sows the sky with the fearsome yammer Of great aeroplanes. They fly up so high and they thrum in the light Yet we hear no sound And their shadow stretching down from a height Never reaches the ground. With chassis outstretched, with curved rigid wing They circle and prowl, And wherever they go they hang threatening With their evil patrol. City people watching them scamper and wheel Cannot even descry On their leather flank or their nose of steel An identity. Though we shout, no–one knows who is riding unseen, Or to what warlike ends The luminous flight of the hellish machine Inscrutably tends. And all at once in broad daylight they’ve fled, God knows by which way, Making off with the city’s terror and dread, Their booty, their prey. Published in Agenda 2014.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Wisdom

Sapienza

Giovanni Pascoli (1855-1912)

Sapienza
Salì pensoso la romita altura ove ha il suo nido l’aquila e il torrente, e centro delle lontananza oscura sta, sapїente. Oh! scruta intorno gl’ignorati abissi: più ti va lungi l’occhio del pensiero, più presso viene quello che tu fissi: ombra e mistero.
Wisdom
Climb pensive up the lonely height, nest of the eagle and the spate, and in remoteness like the night stand, contemplate. Oh, cast your gaze on depths unknown : the further strays your mental eye, the nearer come these things you settle on: shade, mystery.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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Les Rois

The Kings

Émile Verhaeren (1855-1916)

The Kings
C’est une troupe de gamins Qui porte la virevoltante étoile De toile Au bout d’un baton vain. Le vieux maître d’école Leur a donné congé; L’hiver est blanc, la neige vole, Le bord du toit en est frangé. Et par les cours, et par les rues, Et deux par deux, et trois par trois, Ils vont chantant avec des voix Qui muent, Tantôt grêles, tantôt fortes, De porte en porte, La complainte du jour des Rois. « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Toquets de vair, souliers de plumes, Collets de soie et longs cheveux, Et blancs comme est blanche l’écume, Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, sur leurs grands palefrois, Les bons mages qui sont des rois. » « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Jambes rêches, tignasses rousses, Vêtement lâche en peaux de bœufs, Mais doux comme est douce la mousse Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, avec troupeaux et chiens Les vieux bergers qui ne sont rien. » « Avec leurs cœurs, avec leurs vœux, Sabots rouges, casquettes brunes, Mentons gercés et nez morveux Et froids comme est froide la lune Faldera, falderie, Vierge Marie, Voici venir, au sortir de l’école Ceux qui demandent une obole. » Et sur le seuil des torpides maisons, Non pas à flots, ni à foisons, Mais revêches et rarissimes, Comme si le cuivre craignait le froid, Sont égrenés, du bout des doigts, Les minimes centimes. Les gamins crient, Et remercient, Happent l’argent qui leur échoit; Et chacun d’eux, à tour de role, Et sur le front, et sur le torse, et les épaules Se trace, avec le sou, le signe de la croix.
Les Rois
An urchin troupe Waves the twirling star Of cloth at the top Of a lofty prop. Old schoolmaster grants A half-day off. Winter’s white, flakes dance, Snow fringes the roof. In courts and streets By twos and threes From door to door they sing With breaking voices hoarse or strong This day’s own ballad of the Kings. “With heartfelt goodwill-vows, Topknots of ermine, plumes on shoes, Silk collars, tresses, here we come, As pale as foam, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, On our high palfreys journeying, We kindly Wise Men, each a king.” “With heartfelt goodwill-vows And shaggy legs and russet wigs And shabby garb of hides of cows As soft as moss, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, Here we come with flocks and dogs, We the old shepherds, merest dross.” “With heartfelt goodwill-vows, Chins chapped, snot-nosed, Brown-capped, red clogs, Cold as the moon, Fal-lal, fal-lairy, Virgin Mary, Here we come from schoolroom door, For an obol, only a coin, no more.” And on the thresholds Of torpid households Not streaming, teeming But crabbed and sparse, – Perhaps the brass Shrinks from the cold? – Cold hands dispense Mean sous and cents. Urchins cry thanks, Snatch the sum thrown, And each in turn On brow, breast, shoulders with the coin Traces the cross.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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How Grim!

Si morne!

Émile Verhaeren (1855-1916)

Si morne!
Se replier toujours sur soi-même, si morne ! Comme un drap lourd, qu'aucun dessin de fleur n'adorne. Se replier, s'appesantir et se tasser Et se toujours, en angles noirs et mats, casser. Si morne ! et se toujours interdire l'envie De tailler en drapeaux l'étoffe de sa vie. Tapir entre les plis ses mauvaises fureurs Et ses rancœurs et ses douleurs et ses erreurs. Ni les frissons soyeux, ni les moires fondantes Mais les pointes en soi des épingles ardentes. Oh ! le paquet qu'on pousse ou qu'on jette à l'écart, Si morne et lourd, sur un rayon, dans un bazar. Déjà sentir la bouche âcre des moisissures Gluer, et les taches s'étendre en leurs morsures. Pourrir, immensément emmaillotté d'ennui ; Être l'ennui qui se replie en de la nuit. Tandis que lentement, dans les laines ourdies, De part en part, mordent les vers des maladies.
How Grim!
Always enfolding on oneself, how grim! Like unadorned non-floral heavy bedding, Enfolding, being weighted down, subsiding, Fragmenting into sharp points, black and dim. How grim! And to inhibit one’s desire Of cutting up life’s cloth in strips for banners, To hide within the folds one’s evil fires, One’s sorrows and one’s errors and one’s rancours. No silken shivers and no melting moire: The points of red-hot pins within one’s core, The packet pushed or shovelled to the floor, Grim, heavy, on a shelf in a bazaar. To sense the mould now acrid in the mouth, The sticky stains that spread from tooth to tooth, To rot, immensely swaddled in ennui, To be the ennui enfolded in the night, While slowly in the wool-warp’s devilry, Through everywhere, the worms of sickness bite.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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