Cleopatra

Cléopâtre

Albert Samain (1858-1900)

Cléopâtre
Lourde pèse la nuit au bord du Nil obscur. Cléopâtre, à genoux sous les astres qui brûlent, Soudain pâle, écartant ses femmes qui reculent, Déchire sa tunique en un grand geste impur, Et dresse éperdûment sur la haute terrasse Son corps vierge gonflé d'amour comme un fruit mûr. Toute nue, elle vibre ! Et, debout sous l'azur, Se tord, couleuvre ardente, au vent tiède et vorace. Elle veut — et ses yeux fauves dardent l'éclair – Que le monde ait ce soir le parfum de sa chair ! O sombre fleur du sexe éparse en l'air nocturne… Et le Sphynx immobile aux sables de l'Ennui Sent un feu pénétrer son granit taciturne ; Et le désert immense a remué sous lui.
Cleopatra
Night weighs down heavy on the darkened Nile. Stars burn; pale Cleopatra kneels, and bares her breast: her women, shocked, recoil; she tears her tunic with a gesture grandly vile, and on the lofty terrace flaunts, entire, ripe as a love-blown fruit, her virgin form. She shimmers, nude, uncoiling to the warm devouring wind, a serpent of desire. Dark flower of sex, that rides the breeze of night! To pleasure her (the tawny eyes flash bright) the world shall now her fleshly perfume take… The Sphynx becalmed on ocean monotone feels under him the mighty desert wake, and thrill of fire invade his silent stone.
Published in ‘Cleopatra's Face: Fatal Beauty’ by Michelle Lovric, British Museum Press, 2001.

Translation: Copyright © Timothy Adès

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